Le Mouton Noir
- Naoki San'
- 8 oct.
- 3 min de lecture
Dans la nature, les troupeaux de moutons sont majoritairement blancs... Les noirs existent mais ils sont plus rares. Autrefois, la laine noire était considérée comme inutile commercialement, contrairement à la blanche que l'on pouvait facilement teindre et vendre.
La brebis noire était donc l'élément indésirable du troupeau.
Cela a donné naissance à l'expression du "mouton noir", désignant un être qui ne se conforme pas, qui gêne, qui dérange...
Dans une famille, c'est l'enfant jugé marginal, celui qui ne correspond pas aux attentes.
Dans un groupe social, c'est celui qui est différent par ses choix de vie, ses idées. Il est incorruptible et se sent souvent en décalage.
Le mouton noir aime l'authenticité et ne comprend pas toujours les non-dits, surtout lorsqu'ils entravent une construction saine entre les uns et les autres.
Si le groupe n'est pas en adéquation avec ses valeurs profondes, il est incapable de suivre aveuglément, préférant avancer dans la direction opposée, non par rebellion mais par respect pour une trajectoire qui lui est viscérale. Il préfère laisser aller le naturel des choses, tel un fou rire spontané à un rire forcé, un pas de côté à une marche insensée.
Sa présence et sa "fonction" le marginalisent d'office, si bien qu'il développe un côté très solitaire... Sa liberté et son indépendance lui sont extrêmement chères et son for intérieur est en souffrance s'il doit y renoncer pour entrer dans des schémas qui ne lui correspondent pas.
Il ne comprend pas les faux-semblants, les silences lourds, les jeux d'apparence, préférant casser "les codes" familiaux dénués de sens pour aller au fond des choses une fois pour toutes, afin de s'alléger et avancer plus sereinement, s'aligner... Lorsque ce n'est pas possible par respect pour celles et ceux qui n'y sont pas prêts et pour lui aussi, il a besoin d'un temps considérable pour lâcher prise des choses non réglées et accepter de rester dans ce flou sans réponse... s'éloignant à bonne distance ou se renfermant doucement pour se préserver.
Il a souvent peur de "perdre" tel ou telle personne ou ami(e) en route... Mais peut également apprendre qu'il manque à ceux qui ont trahi ses valeurs les plus profondes. De tous temps, seuls les vrais amis restent... Quelle que soit la distance, les vrais liens se retrouvent comme s'ils s'étaient quittés la veille malgré les semaines ou les années qui les ont séparés.
Le mouton noir se ressource et se retrouve avec celles et ceux partageant ses valeurs, avec qui il se sent "à la maison", là où les mots sont simples, les regards francs et les coeurs ouverts. Aussi rares sont ses relations authentiques, il mesure ces liens précieux, se constituant une famille de coeur solide, appréciant de partager du temps et des moments de vie ensemble, sincères, sans se forcer. Au creux des siens, il peut poser sa fatigue, ses poids, ses doutes et retrouver le bonheur de la légèreté du moment présent.
Au fond, ce mouton noir vit peut-être en chacun de nous : parfois, nous sommes la brebis blanche, parfois la noire telles deux faces d’une même humanité, comme le yin et le yang. Ces passages nous apprennent à comprendre l’autre, mais aussi à nous accueillir nous-mêmes, nous remettre en question, à faire de nos différences une force ou une lumière plutôt qu’une frontière.
"Le vent qui m'a fait trébucher
souffle près de ton chemin"
Le mouton noir n’est pas un être à part. Il est la part en nous qui cherche la vérité, la liberté et la paix. Et quand il trouve un regard qui le comprend, il cesse d’être noir : il devient simplement lui-même.
Peut-être que le secret n’est pas de choisir entre le noir ou le blanc, mais d’apprendre à danser entre les deux avec bienveillance... C’est dans cet entre-deux que naît la vraie couleur de notre humanité.
Naoki San' Shiatsu©



